En campagne [PV Etoile de Vie]

Sur le chemin jaune, une tâche grise. Cette tâche – qui n’était autre qu’un chef de Clan – se baladait tranquillement, sans prêter quelconque attention à la vie alentours.
À dire vrai, la tâche rousse qui la suivait n’y prêtait guère plus attention. La chatte la plus belle de la forêt meneuse du Clan de la Rivière avait décidé de passer un moment loin du camp. Elle savait que celui qui la précédait était Étoile d’Argent, mais elle ne fit rien. S’il n’y avait pas de déclaration de guerre de son côté … En revanche, s’il fallait l’abattre, ce serait sans scrupules. Et sûrement d’une facilité pour le moins déconcertante.
Soudain il se retourna, menaçant. Elle sortit de l’ombre, et s’immobilisa devant lui.

« Bonjour, Étoile d’Argent. » dit-elle simplement.

Étoile de Vie constata avec ravissement que le mâle semblait déboussolé. Sûrement ne se souvenait-il plus d’elle … Elle décida de jouer son jeu. Si on l’oubliait si facilement, elle pourrait sûrement en tirer avantage. Mais dans ce cas, elle ne pourrait pas se servir de son pouvoir, car il était unique, et que l’on pourrait la reconnaître à cela. Elle vit qu’il reprenait de l’assurance et qu’à son tour il la saluait. Bien. Elle réfléchit à la suite, elle se demanda comment elle allait procéder, et marqua donc un arrêt pendant un instant. Elle s’assit, enroulant sa queue autour de ses pattes, et se mit à se toiletter. Puis, entre de coups de langues, jetant un coup d’œil au beau mal, elle lança :

« Belle journée, n’est-ce pas ? »

Ces futilités étaient inutiles, même par courtoisie, mais cette distraction lui permettrait peut-être de réaliser profit pour son Clan, après tout ? Et puis, ça évitait aux chefs de se faire la guerre, de se sauter dessus et de rouler au sol, toutes griffes dehors.

Elle le vit s’éloigner. Puis se retourner, pour lui parler d’une façon qu’elle détestait. Elle considérait cela comme un manque de respect et ne le tolérai pas. Elle sortit aussitôt de son jeu, et elle était bien décidée à lui montrer qu’à elle, on lui témoignait du respect, et que cette être égocentrique devrait le faire, qu’il le veuille ou non. Elle décida d’utiliser son pouvoir, pour bien lui faire comprendre.

Elle apparut devant lui, puis, d’une voix saccadée par la colère, lui dit :

« Sais-tu à qui tu t’adresses ? »

Elle lui barrait la route et, quand bien même elle connaissait le pouvoir du chef de l’Ombre, elle n’en avait pas peur : elle pouvait échapper à ses crocs en un battement de paupières.

Visiblement, le meneur se moquait d’elle. Il la prenait pour quoi ? Une débutante ? Mais une débutante ne se sert pas aussi bien de son pouvoir. Il roula des yeux et lui demanda, en quelque sorte, si elle allait faire comme tous les autres chats et toutes les autres chattes. Étoile de Vie préféra être plus … subtile. Elle rétorqua d’un air narquois :

« Non, mais si tu ne te souviens pas de moi rapidement et que tu me traite avec autant de dédain, à la prochaine assemblée, tu pourrais t’en mordre les doigts. »

Elle ne le quittait pas des yeux, devenus pétillants, assurés et un peu, dans le fond, moqueurs.

Ses yeux étaient rivés sur le meneur. Elle voulait lui faire comprendre qu’on ne la traitais pas ainsi, ni elle, ni aucun membre de son Clan. Mais avec un chat aussi centré sur lui-même, la tâche serait dure … Tant pis. Étoile de Vie était patiente. Très patiente.

La meneuse vit une lumière s’allumer dans les prunelles de son interlocuteur. Un espoir de ne pas être totalement invisible naquit en elle. Oui, il l’avait reconnue. Rassénérée, elle s’assit. Elle commença à réentendre les bruits alentours ; le bourdonnement de colère qui jusqu’à lors était apparu dans ses oreilles n’était plus. Son visage reprit ses traits normaux.

« Je ne savais pas qu’un chef puisse manquer de mémoire à ce point. » rétorqua-t-elle calmement.

Elle adorait prendre les phrases des autres et les modifier un poil pour qu’elles se retournent contre le premier qui les avait envoyées.

Il avait rit. C’était bien la première fois qu’Étoile de Vie l’avait vu rire. Ou entendu. Ça allait faire le tour de la forêt, si quelqu’un les avait vu. Quoique, Étoile de Vie qui riait était un sacré scoop aussi. Mais quoi qu’il en soit, pas de chats à proximité.

La tempête passée, Etoile de Vie regardait les yeux du mâle, ou du moins c'est ce dont on avait l'impression. Elle ne voyait rien, ou presque, son regard voguait dans l'océan du Vague. Elle pensait à tout, à rien, et ce qu'elle se disait ne regardait qu'elle. Souvenir douloureux ? Non. Souvenirs à oublier. C'était passé, elle ne voulait plus y penser. Mais quoi ? Je vous l'ai déjà dit, ce qui se tramait dans son esprit ne regardait qu'elle. Si un jour vous l'osez, demandez lui.

Elle fut brusquement rappelée à la réalité par un bruit familier, quasi imperceptible, mais qu'elle avait entendu. Le chat en face d'elle se léchait. Bah, qu'il fasse ce qui lui plaisait. En tout cas, le jeu enfantin de la meneuse, à savoir reprendre des phrases pour les renvoyer au premier expéditeur, lui avait cloué le bec. Ça marchait à tous les coups : on la trouvait trop naïve, trop enfantine, on ne voulait plus lui parler. Et comme elle n'aimait pas parler ...